Gériatrie, réadaptation & soins palliatifs

 La Calla
" Beauté et sympathie, la robustesse de l'esprit de la Calla "

 


Parle-moi de ton parcours, de ton travail au quotidien dans ton service, la façon dont tu exerces, quelles sont tes motivations, que trouves-tu d’intéressant dans la spécificité de ton service ?

Je suis infirmière en soins généraux depuis 27 ans. J’ai fait mes études à l’école de Chantepierre, attenante au CHUV. J’ai fait plusieurs écoles de raccordement afin d’avoir le niveau pour entrer à l’école d’infirmière. Je voulais d’abord être assistante médicale, mais à la suite d’un stage d’un an comme aide-soignante dans un EMS, j’ai compris que c’est infirmière qui me motivait davantage. Avoir un lien étroit avec les patients, pouvoir accompagner, suppléer, coordonner, soigner autour de leurs besoins altérés est ce qui me motive le plus. Par nos connaissances nous avons une compréhension globale de la situation, en pouvant respecter les souhaits du patient, dans les moments difficiles de sa vie.

J’ai travaillé de nombreuses années en chirurgie, gynécologie, et hôpital de jour. C’est un métier qui permet de travailler à différents pourcentages. J’ai eu cette chance d’en profiter pour avoir davantage de temps avec mes enfants pendant leur enfance.

Depuis 8 ans, je suis Infirmière Cheffe d’Unité de Soins (ICUS) dans un service de gériatrie et réadaptation (à 90% : 2 jours de repos supplémentaires dans le mois sont précieux, surtout l’hiver pour aller skier !)

La complexité de la prise en charge, de par les multiples problématiques physiques et les multiples pathologies chroniques qui y sont associées, oblige à adapter le matériel et à avoir des connaissances spécifiques sur la personne âgée. Par mon rôle d’ICUS, je veille à la bonne prise en charge des patients par les infirmiers, infirmières et assistant en soins et santé communautaire (ASSC) de mon service, je leur planifie les formations requises, etc... Nous sommes une spécialité en pleine expansion, nous engageons beaucoup de personnel, et cela nécessite des formations spécifiques :sur le syndrome gériatrique, sur la relation aux patients ayant des troubles cognitifs, etc…

Nos personnes âgées ont le droit à des soins spécifiques et de qualité, qu’ils aient 70 ans ou 95 ans, avec la prise en charge qui y correspond.

Dans nos villes, peu de choses sont adaptées aux difficultés d'une personne de grand âge : prendre le bus, faire les courses dans un grand magasin... leur devient souvent impossible (instabilité motrice, pas le temps de grimper ou descendre, trop grande distance...) Ils sont souvent bloqués chez eux (à cause des escaliers ou par manque d’un véhicule adapté à disposition pour les familles). Quand ils arrivent à l’hôpital, ils ont souvent une très grande reconnaissance pour nos soins, et sont contents de ne pas être seuls. Les familles ont, quand elles le peuvent, une place centrale dans l’accompagnement de leur ainé. Nous avons un lien étroit avec eux. La société a pour moi le devoir de bien traiter nos anciens. Les pressions économiques sont très discutables, quand nous voyons les montants dédiés à l’armée, aux routes, etc… les soins (ou au moins une partie) ne devraient pas être dans le curseur de la gestion d’une entreprise, mais bien comme un service à la population.

La plupart du temps, les patients rentrent à la maison avec bien souvent de l’aide à domicile par des soignants qui passent 1 à 3 fois par jour et l’aide des familles, d’un proche-aidant.

 

Trouves-tu que ton expertise infirmière soit valorisée sur ton lieu de travail et peux-tu mettre en pratique les compétences apprises lors de tes études ?

Oui complètement, notre rôle autonome / rôle propre a toute sa place auprès de nos patients, nous avons un grand rôle à jouer dans l’essai de solutions très pratico-pratiques pour le quotidien.

 

Penses-tu que l’art ait sa place dans des soins de qualité ?

Oui, il a sa place, mais pour le moment nous sommes tellement centrés sur l’acte de soins et le fait qu’il faut que ça rentre dans un budget, que nous sommes trop dans le faire. En gériatrie, l’art à toute sa place. La notion de temps et de besoin à combler n’est pas toujours la même entre le soignant et le patient, y compris à l'hôpital. C’est dans les EMS que l’art a un petit peu plus de place, avec la musique, les sorties culturelles, les spectacles... Un soignant artiste est pour moi un plus. Il a une sensibilité différente, il est créatif… En fait tous les soignants en gériatrie sont des artistes. La difficulté des prises en charge (physiquement, émotionnellement) oblige à trouver des ressources personnelles pour garantir une « durée de vie professionnelle » dans ce milieu.

 

Que penses-tu de mettre en lumière de manière artistique la profession infirmière à travers le body art et la mise en beauté ?

C’est original, c’est de mettre le focus sur un autre aspect que la seringue et le pansement. Notre métier est trop compris comme des actes médicaux-délégués, c’est bien sûr une part importante, mais l’art est de faire des actes sans que personne s’en aperçoive, et que la relation soit au centre du projet de soins.

 

Penses-tu que l’aspect artistique de ce projet puisse renforcer de manière positive l’initiative populaire pour des soins infirmiers forts ?

C’est une manière de ne pas oublier l’initiative, de se faire “voir”. L’initiative a été acceptée, depuis on en entend peu parler... J’espère que les écoles de soins arrivent à obtenir des financements.

 

Penses-tu que l’aspect esthétique que je propose amoindri les aspects professionnalisants que nous revendiquons au travers de cette initiative ?

Non, cela amène à une ouverture d’esprit, nous ne sommes pas des robots. Nous avons des émotions, des sensations, nous avons besoin de nous sentir vivants.

 

Penses-tu qu’il soit important pour une infirmière d’apprendre à prendre soin d’elle et de renforcer son estime de soi, son bien-être personnel, de reconnaître ses forces et faiblesses et de savoir se positionner pour être une infirmière épanouie et efficace au sein des équipes et avec les patients ?

Bien sûr, avancer sur le chemin du développement personnel, savoir s’écouter, se respecter, s’aimer, se ressourcer est une chose qui devrait être développée par tout le monde. Pour soi-même, et pour la qualité de la relation avec ses collègues, ses patients et leurs familles, est essentiel si l’on veut pouvoir rester plus de 5 ans dans les soins.

 

Penses-tu que la valorisation des infirmières, par l’art et la valorisation de l’image de soi, pourrait contribuer au développement de cette profession et son attractivité dans notre société actuelle ?

Certainement, l’image que l’infirmière a d'elle-même est trop souvent négative. A nous écouter, nous ne donnons pas envie aux jeunes de faire ce métier. J’ai fait ma formation il y a 26 ans sous le plan “orchidée”, c’était la première fois que l’on parlait d’économies, depuis cela ne s’est jamais arrêté. Pourtant les situations se complexifient, de nouvelles maladies, de nouveaux traitements complexes, on vit mieux et plus longtemps avec toutes nos maladies, mais cela engendre pour certains des prises en charges multidisciplinaires. Ajoutant des interactions, des transmissions, de la coordination, notre rôle autonome pourrait encore être étendu et nos compétences mieux reconnues (par exemple en nous donnant le droit de prescrire du matériel et certaines classes de médicaments).

 

Quelle est ta définition de l’art et son but dans ce monde ? Penses-tu que le soin soit un art ? Penses-tu que l’art pourrait apporter un mieux-être dans ton lieu de travail et auprès de tes collègues ? Et comment ?

Pour moi cela signifie ouvrir l’esprit, s’ouvrir au futur, c’est un moyen de lutter contre le ressentiment, l’amertume, le passé et ces « c’était mieux avant ». Oui, je vois mon métier comme une forme d’art : le respect, la relation, la frontière régulière avec l’éthique... Le divertissement, la musique, la couleur, la sculpture, le toucher, jouer les cinq sens, sont des leviers pour apporter un plus dans les soins.

 

Est-ce que la crise du COVID a changé drastiquement tes conditions de travail, ta manière d’exercer ta profession ?

Non, rien n’a vraiment changé. Ce fut une période très dure émotionnellement, garantir des normes sanitaires et accompagner des patients qui décédaient en 5 jours, entendre que cela n’était qu’une invention, être inquiet pour ses proches… et très dure physiquement : revenir travailler fatigué après avoir eu soi-même le COVID, avec une charge de travail comme jamais rencontrée (surtout lors de la 2ème vague) par le déconditionnement extrême de nos patients restera dans la mémoire de soignant.

 

Si tu avais un souhait, que changerais-tu pour la communauté des infirmières et de tous les soignants ?

Valoriser leurs compétences ! Dans la pratique : diminuer le temps qu’une infirmière passe derrière un ordinateur et lui permettre d’exercer sa profession et valider sa fonction, ses connaissances et ses compétences.

 

As-tu déjà pensé à arrêter la profession ?

Non. Je suis d’un naturel optimiste, mais la situation actuelle est inquiétante. Le manque de personnel soignant dans toutes les institutions nous contraint, nous limite. Il est difficile de trouver un équilibre et une harmonie, la charge de travail et la pénibilité deviennent très préoccupants.

 

Si tu pouvais changer de voie, que ferais-tu ?

Ergothérapeute peut-être. En tout cas pas dans le commercial.

 

Pourquoi as-tu choisi la Calla ? Que représente cette fleur pour toi ?

J’ai choisi la Calla car j’aime les fleurs blanches (comme la blouse d’infirmière,) elle est douce et pure, elle apporte calme et sérénité quand je la regarde. Selon Google, elle porte bonheur depuis l’antiquité.

 

Le mot de la fin ?

Le métier d’infirmière est un beau métier, exigeant, qui date de la nuit des temps. Notre société doit en prendre soin. Il a encore toute sa place dans notre monde. Le tournant de la robotique sera à intégrer dans nos pratiques. Cela pourra être une aide, un soutien très intéressant, si nous avons l’intelligence de le mettre à la bonne place dans nos pratiques.


Ajouter un commentaire

Commentaires

Blanchard Corinne
il y a 7 mois

L'art dans les soins c'est magnifique 🌈 la musique, les animaux devraient être aussi de la partie💗Beau témoignage de Sandrine, bravo 🤩 Corinne

Créez votre propre site internet avec Webador