Infirmière sans frontières

Hibiscus & Edelweiss

" L'hibiscus des îles à la rencontre de l'edelweiss des neiges, la liberté incarnée "


Parle-moi de ton parcours :

C’est à l’âge de quatorze ans que j’ai su que je voulais être infirmière puéricultrice. Après un premier stage au collège dans un service de pédiatrie, j’ai passé un baccalauréat Sciences Médico-Sociales afin de m’orienter tout naturellement vers le métier d’infirmière dans un premier temps. Les études n’ont pas toujours été faciles, j’avais 18 ans et à l’époque les formatrices et cadres sur le terrain étaient très exigeantes, nous avions des mises en situation professionnelles durant les stages qui nous procuraient énormément de stress, et par ailleurs je savais que le soin auprès des adultes ce n’était pas mon truc, donc je devais prendre mon mal en patience ! Chaque stage optionnel je les réalisais dans des services de pédiatrie car c’était là ma vocation. Je n’ai jamais su d’où cela venait… Ma maman m’a toujours dit que c’était son rêve quand elle était jeune, mais elle avait peur des soins et actes techniques, donc elle est devenue institutrice, tout comme mon père. Et pour moi, cela me paraissait inconcevable d’être enseignante comme eux, je voyais leurs difficultés au quotidien, leur stress, les heures à corriger des devoirs à la maison… Par ailleurs, ma meilleure amie à l’âge de 12 ans était décédée brutalement d’une rupture d’anévrisme lors d’une crise d’épilepsie nocturne… Peut-être ai-je enfoui en moi après cela le désir de contribuer à sauver des vies d’enfants ?…

Bref, c’était une évidence pour moi ! J’ai donc obtenu mon diplôme d’infirmière en 2006 et j’ai enchaîné directement avec l’école de puéricultrice, une formation d’une année supplémentaire dédiée aux soins à l’enfant, c’était le bonheur ! Ce nouveau diplôme en poche, je n’avais qu’une envie : parcourir le monde grâce à ce métier. Ayant passée une partie de mon enfance à l’île de la Réunion, je voulais revivre dans les îles ! C’est ainsi que j’ai postulé dans tous les départements français d’outre-mer, et que j’ai été embauchée aux urgences pédiatriques d’un hôpital flambant neuf en Martinique. 

Mon rêve se réalisait, j’exerçais le plus beau métier du monde, les pieds dans le sable !!! J’ai adoré travailler dans ce service où il y avait tout à mettre en place, c’était une création d’unité et de nombreuses collègues antillaises avaient des difficultés à trouver leur place, ne se sentaient pas suffisamment armées pour prendre en charge les situations d’urgences vitales qui auparavant étaient gérées par les urgences adultes, donc il y avait un gros travail de formation et d’accompagnement à faire, et malgré mon jeune âge, du haut de mes 22 ans, j’ai pris part à cette responsabilité avec beaucoup d’enthousiasme ! C’était exaltant, j’étais passionnée et toujours à courir après les médecins pour en apprendre un maximum, pour comprendre le pourquoi de tel ou tel traitement ou examen, pour faire de mon mieux pour que les prises en charge soient le plus sereines possibles avec les enfants et leurs familles. J’adorais la technicité, l’adrénaline provoquée par les déchocs, mais aussi le côté relationnel et multiculturel qui m’apportaient beaucoup. J’avais une grande soif de me former, donc je suis allée au Canada pour réaliser la formation "PALS" dédiée à la réanimation pédiatrique. J’ai participé à la création d’un SMUR pédiatrique et réalisé plusieurs interventions héliportées, j’étais la plus heureuse du monde ! Malheureusement le manque de moyens et d’effectifs a vu ce projet tomber à l’eau, c’était une grosse déception… Il y a eu ensuite un évènement dramatique qui a marqué un tournant dans ma carrière : le terrible séisme de janvier 2010 en Haïti (plus de trois-cent-mille morts). L’hôpital de Fort-de-France est devenu le centre référent pour accueillir un maximum de blessés et le Plan Blanc a été activé durant plusieurs semaines. Nous avons accueilli des centaines d’enfants, tous plus meurtris les uns que les autres, qui arrivaient fortement déshydratés et traumatisés, avec des plaies profondes et très délabrées, qu’il fallait amputer à la chaîne, qui étaient orphelins et catapultés dans un nouveau pays… Ils parlaient le créole mais pas le français, nos collègues antillais étaient donc de formidables ressources pour nous aider à communiquer avec eux. Nous avons pratiqué de la médecine de guerre : tri de masse, déchocs par dizaine, blocs opératoires en urgence, soins post-opératoires durant des mois, organisation des mises à l’adoption en urgence… C’était une période extrêmement riche en émotions : on pleurait, on riait, on courait à longueur de journées et de nuits, on ne comptait plus nos heures, on savait pourquoi on avait choisi ce métier, ça nous prenait aux tripes. Les équipes ont été fortement marquées mais la cohésion s’est beaucoup renforcée aussi. La direction a permis aux soignants qui le souhaitaient de s’exprimer au travers d’articles de presse, c’est ainsi que j’ai pu rédiger un formidable article relatant le travail considérable qui avait été mis en place aux urgences pédiatriques, c’est à ce jour ma plus belle réalisation professionnelle et j’en ressens beaucoup de gratitude. Tout un magazine a été édité dans la "revue des SAMU de France", le relire fait remonter à chaque fois des émotions très fortes… Et ça a ancré en moi quelque chose d’indélébile : il fallait que je fasse de la médecine humanitaire et de catastrophe !

Cependant, la vie a repris son cours et environ un an plus tard, ma soif de découvrir le monde est réapparue : j’ai tout plaqué et je suis partie vivre à l’autre bout de la terre, direction la Nouvelle-Calédonie où je suis arrivée à l’été 2011 ! J’ai intégré l’hôpital de Nouméa, dans le service de réanimation-néonatale. Changement de décor radical, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter à ce milieu très cloisonné du nouveau-né prématuré, où tout est sombre, feutré et où la délicatesse prime. Je ne me sentais pas à ma place, mais j’ai énormément appris. Les conditions de travail sont difficiles sur cette petite île du Pacifique et il y a peu d’infirmières pour beaucoup de bébés (parfois jusqu’à neuf enfants pour une soignante, mais heureusement nous étions aidées par de formidables auxiliaires de puériculture.) Ce qui m’a le plus marqué durant cette période professionnelle, c’est le nombre de nouveau-nés malformés que nous prenions en charge, du fait notamment de la consanguinité. Des bébés qui naissent sans bras, avec des orteils surnuméraires, des malformations importantes, des pathologies cardiaques extrêmement rares… c’était la Cour des miracles. J’ai développé de fait une grande capacité d’adaptation et d’organisation, car cela nécessite énormément d’agilité de réussir à nourrir toutes les trois heures tous ces petits êtres, de s’occuper de leurs soins de nursing et traitements médicamenteux très méticuleux, d’accompagner leurs parents dans leur nouveau rôle ainsi que toutes les tâches administratives en parallèle. Les journées et nuits de douze heures étaient éreintantes !

C’est ainsi qu’au bout d’un an, épuisée et avec l’envie de me consacrer à la médecine de catastrophe, je suis rentrée en France. J’ai intégré l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) "Pompiers de l’Urgence Internationale" grâce à laquelle j’ai pu me former avec des exercices de terrain (simulation de séismes) et aussi partir en mission humanitaire à Madagascar afin de former les pompiers malgaches aux gestes de premiers secours et au tri des blessés en cas de catastrophe naturelle. Puis j’ai intégré en parallèle la Réserve Sanitaire Française qui m’a permis également d’être formée et de partir en mission humanitaire à Mayotte afin de renforcer les équipes de réanimation-néonatale qui étaient dépassées par le nombre de naissances. Ces expériences passionnantes m’ont fait vibrer et m’ont confirmées que ce métier est et restera ma passion !

Malheureusement, difficile de vivre que comme cela, il me fallait un job à temps plein pour subvenir à mes besoins, j’ai donc travaillé pendant cinq ans dans un hôpital près de Bordeaux où j’exerçais dans un service de pédiatrie très polyvalent et avec une équipe de choc, très soudée et solidaire ! J’ai découvert plus particulièrement les prises en charge oncologiques, qui m’ont apportée une nouvelle vision professionnelle : une approche relationnelle avec ces familles sur la durée, devoir les soutenir dans les hauts et dans les bas, travailler en étroite collaboration avec des médecins oncologues passionnés par leur travail auprès de ces enfants durement touchés par la maladie, réaliser des soins très techniques et spécifiques (administration des chimiothérapies sur cathéters à chambre implantable, transfusions sanguines…)

La vie étant ce qu’elle est, et ma bougeotte étant revenue, j’ai décidé de tout quitter une nouvelle fois pour m’installer en Suisse, au pays du chocolat et des montagnes ! J’ai trouvé du travail en pédiatrie, dans un service qui regroupe toutes les unités dans lesquelles j’avais déjà exercé : urgences, hospitalisation traditionnelle, soins continus, hôpital de jour et néonatologie. Une nouvelle page pleine de promesses s’est alors ouverte !

 

Parle-moi de ton travail au quotidien dans ton service, comment tu exerces, quelles sont tes motivations, que trouves-tu d’intéressant dans la spécificité de ton travail ? 

J’ai toujours adoré mon travail ! Ce qui a par contre toujours été difficile pour moi, c’est de travailler durant les week-end et jours fériés…

Je suis donc arrivée en Suisse et j’ai découvert que le travail dans ce pays peut être plus flexible, beaucoup de collègues qui ne travaillaient pas à 100%, la possibilité de cumuler plusieurs emplois, et des graines ont vite germées dans mon esprit libertaire…

Ainsi, durant ma première année ici, j’ai travaillé à 100% en douze heures dans un vieil hôpital tout plein de charme et avec une vue fantastique sur les montagnes et le lac Léman, j’étais enchantée ! Puis cet hôpital a déménagé pour fusionner avec quatre autres hôpitaux de la région et nos horaires de travail ont été bousculés. Le rythme est vite devenu épuisant et je ne m’y retrouvais plus. J’ai donc réussi à trouver un nouvel équilibre professionnel : je suis devenue pooliste (remplaçante) dans mon hôpital actuel où je tourne sur tous les secteurs de pédiatrie, et j'ai trouvé un deuxième emploi en parallèle, à taux variable également, dans un service de soins pédiatriques à domicile de nuit. Ainsi, je travaille quand je le souhaite et de manière à subvenir à mes besoins, et surtout je ne fais quasiment plus de week-end et je prends davantage de vacances. Le paradis, une véritable renaissance d'avoir réussi à allier passion et liberté !

En ce qui concerne mes motivations, le travail en pédiatrie est rythmé par des prises en charge individualisées qui tiennent compte de l’enfant et de sa famille. C’est une des choses que j’aime tant en pédiatrie, il n’y a rien qui est standardisé, et aussi la polyvalence : on fait de la médecine, de la chirurgie, de la pédopsychiatrie, de la néonatologie, de la réanimation ! Quelle autre spécialité a une telle palette de couleurs ?? On réalise les soins dans le meilleur confort possible, en utilisant le jeu et les moyens antalgiques à notre disposition (crème anesthésiante, gaz hilarant…) et c’est toujours une grande fierté de réaliser un geste douloureux tout en faisant éclater de rire un enfant, c’est génial ! Et on raconte des histoires, on fait un peu de l’hypnose sous Méopa, ça marche très bien, les enfants sont très réceptifs, et les parents tellement plus détendus quand tout se passe bien ! Je les ai toujours intégrés aux soins, sauf dans les situations d’extrême urgence où il est préférable pour eux qu’ils s’éloignent, et j’ai rarement eu de difficultés avec eux, c’est pourtant ce que redoutent beaucoup de soignants qui ne travaillent pas en pédiatrie et qui nous disent « mais comment faites-vous pour gérer les parents ?? Il doit falloir une sacrée patience. » Ce que j’adore aussi, c’est de réussir à poser une voie veineuse à un petit bébé sans le réveiller, juste en lui faisant téter un peu de glucose, c’est magique non ? J’aime le travail en équipe aussi, qui est primordial en pédiatrie, nous devons souvent intervenir en binôme et c’est toujours des moments de partage très enrichissants. Et aussi les interactions avec l’équipe médicale. Nous ne sommes pas de simples exécutantes, l’évolution de la profession va enfin dans le sens d’une véritable autonomie et réflexion infirmière, car oui, du moins pour ma part, quand je réalise un examen sanguin par exemple, je veux en connaître le résultat, l’analyser, comprendre pourquoi on va traiter par telle molécule plutôt qu’une autre. Idem pour les examens radiologiques, j’ai besoin de savoir où se trouve la fracture, quelle immobilisation sera la plus efficace… J’aime cette analyse clinique que nous développons au cours de notre carrière (surtout aux urgences) et qui nous permet en quelques secondes de voir qu’un enfant est dans une situation qui peut se dégrader rapidement, qu’il faut donc trier de la bonne manière et informer le médecin afin de le prendre en charge sans perdre de temps. Notre rôle infirmier est primordial, et pourtant si peu reconnu…

En ce qui concerne mon activité aux soins à domicile, il s'agit de veilles nocturnes directement au domicile d'un enfant malade, souvent porteur d'un polyhandicap, et dont la chambre est équipée comme à l'hôpital si les soins qu'il doit recevoir le nécessitent. J'aime la relation qui se construit au fur et à mesure des années avec les familles. On s'immisce dans leur intimité et cela ne doit pas être toujours facile pour eux d'avoir une infirmière chez eux, mais je pense qu'ils sont très reconnaissants de pouvoir confier leur enfant durant la nuit afin qu'ils puissent se reposer ; il s'agit d'un partenariat basé sur la confiance et le respect mutuel.

 

Trouves-tu que ton expertise infirmière soit valorisée sur ton lieu de travail et peux-tu mettre en pratique les compétences apprises lors de tes études ?

Alors mes études sont un peu loin désormais, et la science évolue à une vitesse folle, donc il faut rester à la page et toujours s’intéresser aux nouveaux protocoles si on veut être dans le coup ! L’expérience de terrain reste la meilleure école de la vie. Quand on fait une erreur, car oui cela peut arriver, même minime, on ne la refait pas deux fois, car on a des vies entre nos mains, et il ne faut pas l’oublier. Une petite erreur peut être fatale en pédiatrie, nous sommes amenées à réaliser des calculs de dose extrêmement complexes et plusieurs fois dans ma carrière, de par mon expérience, j’ai pu corriger des prescriptions médicales qui étaient erronées (dix fois la dose de Morphine par exemple). Donc je crois que les médecins sont de plus en plus ouverts à notre expertise en effet, qu’ils acceptent plus facilement qu’à une époque qu’une infirmière puisse venir dire son désaccord, sa façon de voir les choses… En tous cas moi je ne sais pas me taire quand une prise en charge me questionne ou me dérange, j’essaie d’être diplomate et de donner mon avis. Ce sont les interrogations et les remises en question perpétuelles qui permettent de s’améliorer et d’évoluer, tous ensemble, chacun avec ses valeurs, son expérience, sa sensibilité… C’est un métier en constante évolution, aucun jour ne se ressemble. Il y a parfois une certaine routine qui s’installe, mais il y a toujours un évènement ou une situation choc qui va venir tout bouleverser et chambouler.

On côtoie beaucoup de situations sociales dramatiques aussi, des familles déchirées, des parents inadaptés (alcool, drogue…) auxquels on doit retirer leur enfant, des adolescents complètement paumés, harcelés ou violentés, qui vont finir par tenter de mettre fin à leurs jours… Mais toujours la place du jeu a toute son importance, et c’est très souvent que je pars à la rencontre des animatrices de la salle de jeux pour un moment de détente et de rires, elles sont exceptionnelles et nous aident beaucoup pour améliorer les prises en charge. En un mot, quelle richesse dans toutes ces rencontres, c’est passionnant !

 

Penses-tu que l’art ait sa place dans des soins de qualité ?

En pédiatrie nous avons la chance d’avoir une salle de jeux où les animatrices proposent de nombreuses activités manuelles et artistiques aux enfants : couture, dessin, peinture… donc on peut dire que l’art y est déjà implanté et je suis sûre qu’il a une grande place dans le processus de guérison. Ce serait fantastique de pouvoir proposer ce genre d’activités à l’ensemble des personnes hospitalisées ! Car oui, je pense que l’art a toute sa place dans les soins, et qu'il faut développer beaucoup plus les approches douces dans la médecine occidentale, qui est toujours trop focalisée sur le symptôme et son traitement médicamenteux.

En y réfléchissant bien, je me dis aussi que soigner est un art. Cela requiert de grandes capacités d'empathie, de communication, d'adaptation, qui ne sont pas données à tout le monde. Nous devons nous adapter à l’âge de l’enfant, à sa culture, à sa famille, à sa pathologie… Et donc faire preuve de créativité pour que la prise en charge se passe du mieux possible.

Il y a dans la notion de vocation une forme de don de soi aussi, et d'auto guérison : soigner les autres pour se réparer soi-même ?...

Rendre hommage par l’art à notre profession est une idée formidable en tous cas !

 

Que penses-tu de mettre en lumière de manière artistique la profession infirmière à travers le body art et la mise en beauté ?

C'est un projet fantastique ! Bravo Stéphanie, vraiment, du fond du cœur, tu viens rendre un merveilleux hommage à la profession d'infirmière qui n'est pas assez souvent mise en lumière.

J’ai rencontré Stéphanie il y a un peu plus d’un an je dirais, nous sommes collègues dans le même service de pédiatrie, et dès nos premières rencontres j'ai vu que cette fille était atypique, beaucoup plus spirituelle que moi, branchée hypnose et développement personnel. Moi qui suis très terre à terre, elle me parlait astrologie et ascendant !!!

Et nous voilà début 2023, nous sommes en binôme dans l'unité de soins continus pédiatriques durant douze heures, nous courons partout toute la journée en pleine période épidémique de bronchiolites. Mais on passe quand même un super moment d'échanges avec les clowns de passage ce jour-là, et voilà qu'elle me parle de ce projet qu'elle a débuté il y a deux ans : libérer la parole des infirmières à travers une expérience de body painting, étant anciennement maquilleuse professionnelle. Wahouu, cela m'a tout de suite interpellé, j'ai trouvé cela magnifique de mettre en valeur le corps des infirmiers et de leur donner la parole ! J'ai tout de suite été conquise. De retour chez moi j'ai pu découvrir l'ensemble de son site internet et les témoignages déjà retranscrits qui s’y trouvaient. J'ai senti une exaltation en moi : il fallait que je m'investisse dans ce projet, qu'on le fasse vivre et qu'on le déploie à plus grande échelle, c'était une évidence. Me voilà donc entrée dans cette nouvelle aventure, pleine de sens, une porte qui s'ouvre sur un nouvel univers, merci la vie, et merci Stéphanie qui m’a accueillie à bras ouverts dans son projet !

 

Penses-tu que l’aspect artistique de ce projet puisse renforcer de manière positive l’initiative populaire pour des soins infirmiers forts ?

Cette votation m'a apportée beaucoup d'espoir quand le "oui" a été annoncé, à plus de 60%. En tant que française, non habituée à la démocratie participative, j'ai trouvé cela formidable. Enfin le peuple se lève pour réclamer une meilleure reconnaissance de la profession infirmière, enfin nous sommes entendues, quel soulagement, cela m'avait procuré beaucoup de joie et d'émotions. Malheureusement, un an plus tard, strictement rien n'a changé dans les faits, aucune revalorisation salariale n'a eu lieu, aucun changement dans les effectifs ou les horaires de travail, juste quelques places de formation ajoutées il me semble... Quelle déception. Alors peut-être faut-il encore du temps pour que cela se concrétise et je croise fort les doigts, car l'ensemble du pays y gagnera, pour le présent et pour le futur, qui s'annonce très pénible du fait d'une énorme pénurie de soignants à venir...

Alors oui, toute initiative visant à promouvoir et défendre la profession ne peut que renforcer notre désir de reconnaissance.

 

Penses-tu que l’aspect esthétique que je propose amoindri les aspects professionnalisants que nous revendiquons au travers de cette initiative ?

Aucunement ! Stéphanie, ne te dévalorise pas et fais-toi confiance ! Comment un projet aussi beau pourrait-il amoindrir quoique ce soit ? Je pense que chaque citoyen Suisse (de France et de Navarre) s'y retrouvera, car chacun d'entre nous est forcément un patient un jour ou un autre. Et tout ce que chaque soignant souhaite le plus au monde, c'est que l'expérience d'une hospitalisation soit la moins traumatisante possible.

 

Penses-tu qu’il soit important pour une infirmière d’apprendre à prendre soin d’elle et de renforcer son estime de soi, son bien-être personnel, de reconnaître ses forces et faiblesses et de savoir se positionner pour être une infirmière épanouie et efficace au sein des équipes et avec les patients ?

Oui totalement. On grandit professionnellement et personnellement tout au long de sa carrière et on se rend vite compte qu'il faut se préserver si l'on souhaite exercer le plus longtemps possible. Durant mes premières années d’exercice, j'acceptais avec parfois amertume et frustration, les difficiles horaires et le fait de travailler un week-end sur deux. J'ai compris récemment, il y a deux ans, que ma qualité de vie personnelle devait prendre le dessus afin de ne pas m'épuiser professionnellement. Je suis aujourd’hui totalement épanouie dans mon métier et dans ma vie personnelle, ce qui est une grande satisfaction après quinze ans de carrière.

Par ailleurs, pour prendre soin de moi, je pratique beaucoup de sport et cela est un véritable exutoire : volley-ball, snowboard, wakeboard, kitesurf, randonnée... et je continue de voyager un maximum afin de me ressourcer !

 

Penses-tu que la valorisation des infirmières, par l’art et la valorisation de l’image de soi, pourrait contribuer au développement de cette profession et son attractivité dans notre société actuelle ?

Très certainement. Culturellement je crois que les infirmiers n’ont pas l’habitude de prendre soin d’eux, ou que quelqu’un prenne soin d’eux, mais cela serait bénéfique de bénéficier de temps en temps d’un moment dédié à soi et son bien-être pour se ressourcer.

Et en ce qui concerne ce projet en particulier, oui, je pense qu’il pourrait contribuer à une meilleure attractivité pour le métier. Tant de jeunes ne savent pas dans quoi se lancer, et sont à la recherche d’un métier ayant du sens… Alors j’espère qu’en découvrant nos témoignages, certains trouveront leur vocation !

 

Est-ce que la crise du COVID a changé drastiquement tes conditions de travail, ta manière d’exercer ta profession ?

Je n'ai pas été très impactée par la crise COVID dans mon activité en pédiatrie, le virus n'atteignant que très peu les enfants. Je n'ai pas été redéployée dans des services adultes, mais j'ai par ailleurs exercé durant quelques mois dans un centre médical privé qui faisait également centre de dépistage COVID, donc j'étais là au cœur de la pandémie. Ce dont j'ai le plus souffert : de la chaleur sous les masques durant les étés 2020 et 2021, c'était insoutenable, on étouffait littéralement dans ce centre médical, il n'y avait pas la climatisation et on courait toute la journée comme des folles, c'était un enfer... J’ai quitté cet emploi en partie pour cette raison : comment peut-on tolérer de travailler dans de telles conditions dans un pays si riche comme la Suisse ?..

A l'hôpital nous tolérons mieux le masque vu que la température est régulée, mais il nous tarde de pouvoir retravailler sans le porter tout au long de la journée, car cela est fatiguant.

As-tu déjà pensé à arrêter la profession ? 

Jamais. J'ai toujours adoré mon métier, avec des hauts et des bas bien-sûr !

Si tu avais un souhait, que changerais-tu pour la communauté des infirmières et de tous les soignants ? 

Telle une magicienne, je voudrais donner un coup de baguette magique pour que tous les hôpitaux soient dotés de suffisamment de personnel pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions, et que les salaires soient enfin revalorisés à leur juste valeur. Nos responsabilités sont énormes et je me demande parfois si les gens dans les bureaux se rendent compte qu'avoir des vies entre les mains, c'est certes le plus beau métier du monde, mais qu’il est sacrément risqué, et qu'il mérite une meilleure rémunération… Et pas uniquement les infirmières bien sûr : sages-femmes, techniciens en radiologie médicale, physiothérapeutes, laborantins, diététiciens, assistantes médicales, aides-soignantes, réceptionnistes, secrétaires, techniciens en hygiène hospitalière… Chaque maillon de la chaîne est indispensable et interdépendant, le médecin seul n’est rien sans ces équipes pluridisciplinaires, il est temps de se rendre compte de l’importance de chaque métier, j’en appelle de mes vœux et j’espère voir une vraie évolution d’ici la fin de ma carrière...

 

Si tu pouvais changer de voie, que ferais-tu ? 

Mon idéal : travailler à 50% dans les soins et à 50% pour quelque chose de plus personnel, de plus artistique. Je suis photographe amatrice, spécialisée dans les paysages naturels, de Suisse et du monde, donc pouvoir faire vivre un jour cette passion serait merveilleux.

Sinon, la seule voie qui m'intéresse en dehors de cela c'est l'événementiel, car j'adore organiser des soirées, des week-ends, des voyages...

 

Pourquoi as-tu choisi l’Hibiscus et l’Edelweiss ? Que représentent ces fleurs pour toi ?

J’ai tout de suite eu envie que mon parcours professionnel se retrouve sur ma peau lors de cette expérience.

On m’a longtemps appelé « la fille des îles », donc l’Hibiscus représente ces années passées sous les cocotiers ! L’Hibiscus rose plus particulièrement symbolise l’amitié, une valeur qui m’est très chère.

Et depuis que je vis en Suisse (cinq ans), j’ai découvert un nouveau pays aux mille et une merveilles dont je suis tombée éperdument amoureuse, donc l’Edelweiss, la fleur des neiges, vient rendre hommage aux montagnes que j’aime tant et qui me permettent de me ressourcer !!! C’est la fleur nationale de Suisse et elle symbolise l’aventure, ce qui me correspond totalement !

 

Le mot de la fin ?

Je suis ravie d'avoir pu m'exprimer ainsi. C'est libérateur. Il y a encore tant à dire sur notre beau métier, mais je crois qu’il faut que je m’arrête !

J’espère que ce projet de publication que je mène avec Stéphanie verra vraiment le jour et qu’il permettra de créer des vocations chez des jeunes ayant envie d’avoir un métier riche de sens. Et aussi qu’il permettra aux soignants qui le liront de se sentir reconnus et valorisés dans leurs compétences.


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Commentaires

Johanna
il y a 8 mois

C'est un très beau témoignage, très intéressant. Je découvre et j'apprends des choses en le lisant.
Merci à vous deux.

Michèle
il y a 8 mois

Ce magnifique témoignage mériterait à lui seul l'écriture d'un livre.
Votre franchise et votre liberté de ton exceptionnelles méritent le plus profond respect ainsi que votre enthousiasme pour ce métier qui ne s'est jamais démentie.
Vous êtes de la catégorie des femmes puissantes et libres.
Vous pouvez être fière de votre parcours, chère Elsa.
Ce sont des personnes comme vous qui devraient être entendus par ceux qui nous gouvernent.
J'espère que ce livre passionnant qui nous plonge au coeur de ce métier du don de soi connaîtra un grand succès et un immense retentissement

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